Une mission

Publié le par Atelier de l'Impasse

On ne naît pas altruiste. On le devient.

 

C'est la réflexion que je me suis faite hier, en regardant mes nouveaux compagnons d'atelier vaquer à leurs occupations. Mes “aînés”, mes “grands frères” comme ils aiment à s'appeler entre eux, avec force  rires édentés, vestiges d'une virilité passée, et autres tapes dans le dos un peu ramollies. Tendre spectacle.

 

La vieillesse est assurément un cap formidable. L'homme au sommet de sa maturité. De sa sagesse, aussi, à en croire l'étendue de leur culture générale, musicale notamment. Trenet, Horner, Chevalier, la Môme. On ne s'ennuie pas. Avec de tels camarades, la vie d'atelier devient une expérience incroyable, une formidable école de la vie.

Moi, l'individualiste forcené, le baroudeur de l'ego, le hérault du chacun pour soi, j'avais choisi la voie solitaire de l'auteur pour éviter les autres. Leur compagnie m'a sauvé. Je le sais, je le sens.

 

Il en est des ateliers bd comme des maisons de retraite, finalement. On peut laisser nos “aînés”, nos “grands frères” disparaître dans l'oubli et les draps souillés. Ou les accompagner jusqu'au bout, comme ils le méritent. C'est le choix que j'ai fait.

 

Je veux donner à leurs derniers moments une intensité exceptionnelle. Les valoriser, bien sûr. Rire à leurs blagues, forcément. Quoi de plus drôle qu'un Sylvain Ricard qui va piquer son dessin à un Bruno Duhamel ? C'est qu'il speede, le Sylvain, avec son déambulateur ! Et il aime le comique de répétition, avec ça. Certes, l'Alzheimer de Bruno facilite un peu les choses, mais, après huit essais, il la tient bien, sa couverture.

 

Les valoriser, donc. Jusqu'à donner l'impression de se soumettre à leurs caprices ? Si c'est pour mieux les aider, définitivement. Faire le ménage, préparer le repas. Et, discrètement, ranger les couches. Vérifier les piluliers. Nettoyer la vaisselle, oui, mais aussi les dentiers.

 

Les accompagner. Et leur tendre une main amicale quand le dernier moment sera venu. A l'heure où l'euthanasie devient enfin légitime, les aider à se retirer. Doucement. Discrètement. Les emmener là-bas, vers la lumière, sans même qu'ils le sachent.

 

Leur faire un bon café. Le dernier.

 

Arseniqué. Digitalliné. Mort-aux-ratisé. Et bien sucré avec tout ça, ma bonne dame...

 

Hé oui...

 

Etre généreux. Cela s'apprend. Je suis à bonne école.

 

Merci les vieux c... les gars. Merci d'être vous, tout simplement.

 

Publié dans La vie au zoo

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